Rouget de Lisle : un homme connu de tous et pourtant méconnu !

Claude-Joseph Rouget de Lisle est passé à la postérité pour avoir composé la Marseillaise. Mais qui était-il vraiment ?

Il naît à Lons-le-Saunier, le 10 Mai 1760, au n° 24 de la Rue du Commerce. Son père est avocat au baillage de Lons. La famille possède une maison à Montaigu, et c’est là que Claude-Joseph passe sa petite enfance. Il suit de bonnes études à Lons et montre très tôt un goût prononcé pour la musique, goût partagé par toute la famille, semble-t-il. Il prépare l’Ecole Militaire de Mézières, il est nommé sous-lieutenant du génie en 1784 et lieutenant en 1789. Il se fait remarquer par une ode écrite pour la Fête de la Fédération, le 14 Juillet 1790, intitulée « Dieu conserve le Roi ».

En garnison à Strasbourg, il est appelé par Dietrich, le maire de la ville qui vient d’apprendre la déclaration de guerre de la France à l’Autriche. Celui-ci demande à Rouget de Lisle de composer « un beau chant pour ce peuple soldat qui surgit à l’appel de la patrie ».

Le capitaine, revenu à son domicile dans un état d’exaltation intense, se met au travail et écrit « le Chant de guerre pour l’année du Rhin » dédié au maréchal de Lukner dans la nuit. Appartenant au bataillon « Les enfants de la Patrie », il s’inspire d’une affiche de la Société des Amis de la Constitution apposée sur les murs de Strasbourg, qui débute ainsi : « Aux armes, citoyens ! « .

Le chant est présenté le matin même chez le maire Dietrich, l’épouse de ce dernier l’harmonisera aussitôt. Air et paroles circulent très vite. Après avoir enflammé l’Alsace, l’hymne parvient jusque dans le Midi où il est chanté lors d’un banquet donné en l’honneur des volontaires marseillais. Dès le lendemain, le Journal des départements méridionaux en publie le texte. Le jour du départ des volontaires marseillais, chacun d’eux en reçoit un exemplaire. Tout le long de leur route, ils le chantent et, lorsqu’ils arrivent à Paris, cet hymne provoque l’enthousiasme. Le peuple le désigne aussitôt sous le nom de la Marseillaise qui devient l’hymne de la liberté. En dépit des accents révolutionnaires de son hymne, Rouget de Lisle est royaliste. De plus, il n’accepte pas les massacres des Tuileries et l’arrestation de la famille royale (10 Août 1792). Il est suspendu de ses fonctions militaires pour avoir refusé de prêter serment de fidélité aux décrets de l’Assemblée. Il envisage d’émigrer mais réintègre finalement l’armée des Ardennes avant d’être arrêté sous la Terreur en vertu de la loi des suspects.

Libéré sur ordre de Robespierre, il est affecté à l’armée des Côtes-de-Brest en 1795 et participe, aux côtés de Tallien et du général Hoche, à la souricière de Quiberon où l’armée royaliste, cernée, capitule après une dure résistance.

Il démissionne alors de l’armée mais n’obtient pas le poste de directeur de l’Opéra qu’il convoitait. Il vit ensuite dans l’obscurité, dans la pauvreté même, malgré quelques essais de théâtre, d’histoire et de composition musicale, rédigeant des oeuvres mineures pour gagner sa vie. Vers 1812, seul, abandonné de tous, il revient au pays natal et habite la maison familiale de Montaigu. Durant cinq ans, pauvre, inactif, il passe son temps à jouer du violon et à composer des romances. Il quitte le Jura vers 1817 et regagne Paris. Sa « traversée du désert » dure… En 1826, emprisonné pour dettes, son ami, le chansonnier Béranger, réunit la somme qui permet de le libérer. Après les événements des Trois Glorieuses, la révolution de 1830, Rouget de Lisle, qui voit son hymne chanté sur les barricades, est mis à l’honneur par le Roi Louis-Philippe qui lui décerne la Légion d’Honneur et lui octroie une pension le mettant à l’abri des besoins d’argent. Il meurt des suites d’une bronchite à Choisy-le-Roy, le 26 Juin 1836.

De son vivant, Rouget de Lisle sera souvent ignoré : entre mai et août 1792, son chant est imprimé à Strasbourg sans son nom, le 28 septembre 1792, la Convention décrète que l’Hymne des Marseillais sera chanté dans toute la République pour célébrer les victoires de la Liberté, mais on ne parle pas de l’auteur ! 

Après sa mort, il sera le centre d’une polémique : on l’accusera d’avoir plagié un Credo composé par le compositeur allemand Holzman, un Concerto d’un fils de Bach, un Concerto de Mozart…

En 1863, Fétis, le directeur du Conservatoire de Bruxelles, prétend que la Marche des Marseillais a été composée par un certain Navoigille… en 1793 !

Notre Jurassien verra son jour de gloire… posthume en 1879, quand la Troisième République, sous la présidence de Jules Grévy, lui aussi Jurassien, adoptera le 14 Juillet, fête Nationale et la Marseillaise, hymne national.

Autre reconnaissance… tardive, en 1915, lors du premier défilé du 14 Juillet, sur les Champs Elysées, symboliquement, pour remonter le moral du pays en guerre, les cendres de Rouget de Lisle seront transférées provisoirement aux Invalides et non au Panthéon, comme prévu ! L’idée était celle du Président de la République, Henri Poincaré, mais pour que le transfert soit légal, il faut absolument l’accord des deux Chambres, Sénat et Assemblée Nationale, qui, en cette période dramatique, avaient d’autres préoccupations ! Et, le provisoire dure donc depuis 90 ans !

Le tableau qui illustre ce propos est d’Isidore Pils, il date de 1849 et est exposé au Louvre. Quant à la statue lédonienne de Rouget, elle a été inaugurée en 1881 : c’est l’oeuvre de Bartholdi (le sculpteur de la statue de la Liberté et du Lion de Belfort, entre autres).

Jean-Pierre CHAUVILLE

 

Allons enfants de la Patrie

Le jour de gloire est arrivé !

Contre nous de la tyrannie

L’étendard sanglant est levé

Entendez-vous dans nos campagnes

Mugir ces féroces soldats?

Ils viennent jusque dans vos bras

Egorger vos fils, vos compagnes !

 

Aux armes citoyens

Formez vos bataillons

Marchons, marchons

Qu’un sang impur

Abreuve nos sillons

 

Que veut cette horde d’esclaves

De traîtres, de rois conjurés?

Pour qui ces ignobles entraves

Ces fers dès longtemps préparés?

Français, pour nous, ah ! Quel outrage

Quels transports il doit exciter?

C’est nous qu’on ose méditer

De rendre à l’antique esclavage !

 

Quoi ces cohortes étrangères !

Feraient la loi dans nos foyers !

Quoi ! ces phalanges mercenaires

Terrasseraient nos fils guerriers !

Grand Dieu ! par des mains enchaînées

Nos fronts sous le joug se ploieraient

De vils despotes deviendraient

Les maîtres des destinées.

 

Tremblez, tyrans et vous perfides

L’opprobre de tous les partis

Tremblez ! vos projets parricides

Vont enfin recevoir leurs prix !

Tout est soldat pour vous combattre

S’ils tombent, nos jeunes héros

La France en produit de nouveaux,

Contre vous tout prêts à se battre.

 

Français, en guerriers magnanimes

Portez ou retenez vos coups !

Epargnez ces tristes victimes

A regret s’armant contre nous

Mais ces despotes sanguinaires

Mais ces complices de Bouillé

Tous ces tigres, sans pitié

Déchirent le sein de leur mère !

 

Nous entrerons dans la carrière

Quand nos aînés n’y seront plus

Nous y trouverons leur poussière

Et la trace de leurs vertus

Bien moins jaloux de leur survivre

Que de partager leur cercueil

Nous aurons le sublime orgueil

De les venger ou de les suivre !

 

Amour sacré de la Patrie

Conduis, soutiens nos bras vengeurs

Liberté, Liberté chérie

Combats avec tes défenseurs !

Sous nos drapeaux, que la victoire

Accoure à tes mâles accents

Que tes ennemis expirants

Voient ton triomphe et notre gloire !