Crotenay au temps des colonies …de vacances

Petit historique

La première colo

Dès son arrivée dans un quartier pauvre de Zurich, en 1876, le pasteur suisse, Herman Bion, constate le mauvais état de santé des enfants. Il décide, alors, de les envoyer au grand air. Il organise une collecte et fait partir à la campagne 68 enfants de 9 à 12 ans. C’est la première colo, la « Ferien-Kolonie », dirigée par le pasteur et encadrée par des instituteurs et institutrices bénévoles. Les colons sont accueillis chez des paysans, ils participent aux travaux des champs. Les garçons dorment dans les granges et les filles dans la ferme. A leur retour, on constate une nette amélioration de leur santé  et chacun se rend compte des bienfaits du grand air et des exercices physiques.

En France

S’inspirant des idées du pasteur Bion, Edmond Cottinet crée en 1880, l’œuvre des colonies de vacances du 9e arrondissement de Paris. 18 petits Parisiens souffrant d’anémie sont accueillis dans les écoles à Chaumont, en Haute-Marne, pour les garçons et à Luxeuil, en Haute-Saône, pour les filles.
Peu à peu, les municipalités soucieuses de l’égalité sociale organisent des colos pour les enfants les plus pauvres. L’Eglise voit d’un mauvais œil le développement de ces premiers centres de vacances laïcs et crée les siens à la fin des années 1890.
En 1913, on compte 100 000 colons, en 36, 420 000 pour atteindre le million en 1955.
Après la guerre, les centres de vacances permettent aux enfants des grandes villes principalement, de moins souffrir de la malnutrition. Cependant, l’alimentation reste rudimentaire puisque ce n’est que le 1/12/49 que les tickets de rationnement disparaissent. Le 1/2/49 pour les cartes de pain ! 

Pourquoi le choix de Crotenay ?

Probablement parce que subsistent, fin 40, les bâtiments des Chantiers de Jeunesse, en mauvais état certes, mais aisément « retapables » sans gros investissements.

Les débuts

En mai 1947, le Maire, Mr Faivre, informe son Conseil que Mr le Directeur de la Jeunesse et des Sports demande à louer les terrains occupés par les Chantiers afin d’y établir des colonies. Le Conseil refuse, le prix proposé n’est pas « en rapport avec les conditions de vie actuelles ». En 48, le Ministère de l’Education Nationale offre 100 F l’are, la commune accepte alors de louer 32 ha pour une durée de 25 ans aux Grandes Chantres, au Tartre, à la Praz, Derrière la Praz, aux Poisets et à l’Essart.


Les colos de Crotenay

A Malaval

Dès la fin de la guerre, l’UFOVAL (Union Française des Oeuvres de Colonies Laïques) du Doubs installe une colo, près des trois étangs de Malaval, dans les chalets des Chantiers de Jeunesse. Plus tard seront construits deux bâtiments, le siège actuel du Golf et un longeant l’étang, le plus petit, à l’opposé, date des années 30 quand les trois étangs ont été aménagés pour un élevage de poissons.

Très peu de renseignements sur la vie de cette colo si ce n’est la réaction du Conseil Municipal, lors de sa réunion du 30/11/1948, qui déplore les incidents regrettables survenus pendant le séjour de la colonie « Le Mouvement de l’Enfance Ouvrière », sans les citer. Le MEO est apparu dès 1930, fondé par des militants socialistes et de la CGT, ses concepts sont très nouveaux : respect de la démocratie, du choix des enfants, réalisation d’un projet collectif. L’intérêt de l’enfant est toujours placé au centre du dispositif et il ne s’agit aucunement d’une organisation d’éducation pour un parti.

La colo de la Moraine

A la même période, une colo venant de la région parisienne, de Bonneuil-sur-Marne, s’installe sur la plateforme aménagée par les Chantiers pour accueillir leurs ateliers.  Les baraquements en bois sont-ils utilisés ? Les colons dorment sous la tente. Le directeur n’est autre que Mr Fred Meyer. Les demandes de permis de construire d’un camp de vacances émanent de « L’aide aux enfants de France », les bâtiments prévus sont ceux qui longent la rue des Grandes Chantres. L’amphithéâtre figure déjà sur les plans. 

Conquis par la beauté du site, Fred Meyer proposera ces superbes constructions quand le ministère décidera la création, début 50, des ENP (Ecole Nationale de Perfectionnement) pour venir en aide aux enfants en difficulté, il en sera le premier directeur !

Par la suite, la colo s’installera dans les locaux tout neufs et très modernes de l’ENP qui deviendra bien plus tard l’EREA.

La colo de Châtillon-Commentry

En 1949, le comité inter-entreprises des forges et des aciéries de Châtillon, Commentry (Allier), Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle) et Isberg (Pas-de Calais) achète les terrains du Tartre. Les usines fonctionnent à plein rendement, la reconstruction du pays dévasté par la guerre est en route.

Les chalets des Chantiers sont en très mauvais état et le comité entreprend la construction de quatre dortoirs, d’un vaste local pour les cuisines et le réfectoire et un pavillon pour la direction et l’infirmerie.

Durant les vacances qui, à l’époque, s’étalent du 14 juillet au 1er octobre, le centre accueille deux séjours d’une centaine d’enfants. C’est un véritable brassage social : les gosses des ouvriers pauvres des corons côtoient ceux des cadres du siège de Paris.

Jean-Marie Delannoy d’Isberg a séjourné à la colo en 1951 et en 1952, Mr Guillaumet était le directeur. Il se souvient, avec beaucoup de bonheur, des parties de foot, des cabanes, des baignades à la piscine de l’Angillon ou au pied de la retenue du barrage de Pont-du-Navoy, après le passage du gué au Verriou, du camp au bord du Lac d’Ilay, du voyage à la Mer de Glace quand, dans un virage, le car a heurté une charrette de foin …Il ajoute que le dimanche, vêtus de leurs plus beaux habits, les colons se rendaient à la messe, ils s’installaient sur la tribune sous l’œil vigilant d’un mono volontaire.

La colo de Crotenay avait un tel succès que, souvent, il fallait tirer au sort les heureux élus !

Dans les années 60 et 70, Mr Joly, bien connu des Crotenaisiens, en devient le directeur ; toute l’organisation est bouleversée ! Henri Névoret, son épouse Charlette et Roland Olivier font partie de l’équipe des monos, ils se rappellent des exigences du directeur, un homme très autoritaire mais très prodigue en nouveautés. Gare au mono qui n’a pas d’idées !

 L’équipe formée d’une dizaine de colons n’est pas fermée, elle éclate chaque matin, quand chacun choisit son activité : grands jeux, jeux de piste, pilotage de kart sur la piste de la Bonde, à Champagnole, courses de patins à roulettes sur un parcours aménagé au sein de la colo, travail manuel … Le soir, feux de camp, chants, cinéma dans la salle de jeux et même … incroyable, initiation à la conduite dans une Traction !

Les activités sont si intenses qu’on accorde aux colons, chaque semaine, un « jour sans rien », une sorte de jour de congé ! 

Quant aux repas, une conception très moderne, l’enfant a le choix entre plusieurs plats, les légumes étant privilégiés, ils sont achetés chaque lundi à Louhans. Les repas se prennent dehors, le long du chemin des épinettes, sous les tilleuls, au réfectoire par mauvais temps.

Début 70, le CE fait creuser une piscine, les dalles l’entourant sont coulées et mises en place par les moniteurs. « Pas compliqué ! » prétend le directeur. Une particularité intéressante, la piscine est ouverte, l’après-midi, aux enfants du village qui, sous la direction d’un maître-nageur, apprennent à nager. Une belle intégration de la colo dans la vie de Crotenay.

Devenue la « Colonie Usinor », suite aux restructurations dans l’industrie sidérurgique, elle attire moins d’enfants, la mode est aux activités sportives variées, animées par des moniteurs possédant un brevet d’état. 

La colo ferme au début des années 80 mais connaît une renaissance avec la création de l’Ecole du Cirque.

La colo de l’Eure

Juste après la guerre, l’OPEPE (Œuvres des Pupilles des Enfants de l’Ecole Publique) crée la Colonie Normandie, route de la Praz, dans cinq ou six chalets, vestiges des Chantiers. La colo dispose de tout le coteau qui descend vers l’Ain et d’un grand pré, au bord de la rivière, à la Coinche.

Bientôt, un long bâtiment relie deux chalets afin d’obtenir un véritable réfectoire et à la fin des années 60, la colo en dur est bâtie par les frères Marchionini. 

De 1949 à 1970, Mr André Dannel, enseignant dans l’Eure, occupe successivement les fonctions de chauffeur, moniteur, adjoint au directeur, à l’économat puis économe, son épouse, d’abord monitrice devient lingère-blanchisseuse.

Les enfants dont l’effectif varie entre 100 et 200, âgés de 10 à 14 ans, sont accueillis pour des séjours de trois semaines et demie, de la fin juillet à la fin septembre. Tous couchent sous les tentes dressées dans le coteau. 

Une année, la ville d’Evreux offre six canoës et met à la disposition de la colo un moniteur spécialisé : une nouvelle activité, étonnante pour l’époque, naît. Partant de la Coinche, les colons descendent l’Ain jusqu’au barrage de Pont-du-Navoy où André les récupère avec un petit bus et une remorque adaptée.

Dans les années 80, les colos sont en perte de vitesse, les parents sont plus exigeants sur les activités, nécessitant des animateurs qualifiés, donc plus chers que les monos.

L’Eure accueille en majorité des enfants des quartiers difficiles et des foyers. Elle propose des thèmes « sortant de l’ordinaire » : la spéléo avec une nuit passée dans une grotte des Moidons, des camps de deux à trois jours en autonomie à Besain, des randonnées à vélo et, bien sûr, le canöé-kayak.

Durant les vacances de février, elle accueille des classes de neige, on skie à Chapelle-des-Bois. Le prix croissant des transports met fin à ces séjours.

Cependant, en été, les groupes, de plus en plus réduits, sont logés dans les bâtiments, les tentes ne sont plus nécessaires. Jusqu’en 1998, Monique Régazzoni règne en maîtresse sur les cuisines, elle s’occupe des menus, des approvisionnements et de la préparation des repas.

La colo de l’Eure connaîtra, elle aussi, un renouveau quand Eric et Alexandra Delahaye achèteront les locaux qui deviendront « le Gîte de la Praz ».


Les colos dans la vie du village

Les quatre colonies avaient un impact énorme sur la vie du village. Elles embauchaient bon nombre de jeunes filles et de dames pour la cuisine, le ménage et la lessive, des hommes pour le gardiennage et l’entretien des installations, le montage des tentes, du personnel d’encadrement, moniteurs et monitrices. Ce travail d’été permettait à de nombreuses familles « d’arrondir les fins de mois ».

L’impact économique, lui aussi, n’était pas négligeable. Durant deux mois, les colos achetaient le pain à la boulangerie Marsaud, la viande à la boucherie-charcuterie Mangel, le lait (qui sentait la vache), le beurre et le fromage au chalet, le miel chez un apiculteur sympa qui faisait de l’hydromel- dixit Mr Dannel- Louis Olivier ?, le carburant, les cartes postales au café Ayel, sans oublier les consommations des monos en congé, les bonbons et autres friandises achetés par les colons à l’épicerie Rovelli , l’entretien et les réparations des véhicules au garage Peterman.

Pour toutes ces raisons, les colonies de vacances de Crotenay valaient bien …un article !

En conclusion

Je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes que j’ai rencontrées, Jean-Marie, Roland, Henri, Charlette, Monique qui m’ont raconté leurs colos avec beaucoup de bonheur, Mr Dannel qui m’a envoyé une longue lettre, Isabelle et Monique qui m’ont confié leurs photos et cartes postales.
Merci à tous et à toutes, cet article vous rappellera, j’en suis sûr, une belle période de votre vie.