Le chemin balisé de l’Heute

Une agréable promenade, certes, mais également une leçon de géographie et d’histoire grandeur nature.
Départ : les étangs de Malaval.
Vous longez le Golf des Quatre Saisons. Retour en arrière…
Il y a quelques dizaines d’années, une moraine descendait jusqu’aux étangs, elle a été exploitée par les Carrières Pernot. Là, durant la Seconde Guerre Mondiale, se dressaient de nombreux baraquements des Chantiers de Jeunesse.

Le long du chemin qui borde la Carrière Ayel, sur votre droite, apparaît un véritable labyrinthe, un relief karstique (terme devenu célèbre grâce au sentier du même nom à Malrocher, sur le territoire de Besain).

Les eaux de pluie chargées de gaz carbonique (dioxyde de carbone) dissolvent lentement le calcaire. C’est en surface que cette érosion chimique est la plus importante (0,1 mm par an en moyenne), aidée par les acides du sol et de la décomposition des végétaux.

Pour les curieux, un peu de chimie :
H2O + CO2 = H2CO3 (acide carbonique)
CaCO3 (carbonate de calcium) + H2CO3 = Ca(HCO3)2 (bicarbonate de calcium soluble dans l’eau).
La réaction est réversible. Le bicarbonate, quant il atteint la saturation, redevient carbonate et forme stalactites, stalagmites et tuf.

Le chemin devient plus escarpé. La roche-mère calcaire affleure le sol, une terre brun-rouge remplit les fissures. Il s’agit d’une argile de décalcification qui constitue le résidu insoluble (argile ferrugineuse) de la dissolution du calcaire.

Cette sente étroite vous mène à la Voie Romaine du Col de Pointat.

Cette voie, romaine, ou plus ancienne, celtique ?, dégagée et longtemps entretenue par les élèves de l’EREA, a la particularité de posséder des marches et des ornières pour faciliter son passage (structures que l’on retrouve en Longeailles, au-dessus de Pont-du-Navoy, non loin du Col de la Vermillières et à la Tour de Chalamont, dans le Doubs).

Alors, ornières ou traces d’usure ?
La plupart des archéologues pensent que ces rainures, sorte de rails, étaient intentionnelles, elles empêchaient le véhicule de glisser. D’autre part, le fond bien aplati supprimait les cahots de la route.
Cette étonnante portion fait partie de la « Voir Romaine de Lyon à Besançon avec embranchement sur Salins, appelé la Vie Saunier. Un rameau de cette vie (voie) se détachait du Fied, tirait sur Pont-du-Navoy, suivait l’Ain et mettait en communication Besançon, Poligny, Grozon avec la ville d’Antre. Cette branche, dite Chemin de la Vermillières, reliait aussi Château-Chalon à Nozeroy. » Alphonse Rousset.
Cependant, bien des questions se posent aux curieux ! Où passait cette voie entre Picarreau et le Col ? Entre le Col et Pont-du-Navoy ?
Plongé dans ces pensées, suivez le chemin blanc qui court au sommet de l’Heute.
Heute, Euthe, Leutte, Eûte, le terme varie selon les cartes mais tous viennent du mot « haute » qui exprime le relief.

Les géologues parlent du « Faisceau de l’Heute ».
Un faisceau est une bande étroite, disloquée, plissée, faillée qui s’allonge entre deux plateaux (ici, ceux de Lons et de Champagnole) ou en bordure de plateau.
Comment s’est formé cette cassure complexe de plus de 40km, dominant le plateau de Lons de plus de 200 m, la Combe d’Ain de plus de 250 m, avec des sommets culminants à 700 m ? Explication ! Des croquis valent mieux qu’un long discours !

Belvédère de la Roche du Midi

Tout au bout du chemin blanc, sur votre gauche, vous découvrez le belvédère de la Roche du Midi, pas facile à trouver, c’est vrai.
De là, vous pouvez admirer la Forêt des Moidons qui s’étend à vos pieds. Poussant sur des calcaires fissurés, cette forêt de 3132 ha est un taillis sous futaie pauvre : c’est-à-dire, une forêt feuillue d’essences mélangées où avoisinent arbres, arbustes, arbrisseaux et herbes. elle est actuellement en cours de transformation-conversion de sapins et de hêtres.
Revenez sur vos pas jusqu’à la ligne 19, sur votre gauche qui vous conduit maintenant au belvédère qui domine Crotenay et ses carrières. Question : Pourquoi des carrières à Crotenay ?

Il y a 20000 ans, une calotte glaciaire recouvre le Jura, un glacier de 1800 m d’altitude qui, sur le flanc ouest, se divise en langues glaciaires au pied desquelles se forment des lacs.
Le Lac de la Combe d’Ain s’étale sur plus de 20 km, de Crotenay à Largillay.
Après avoir raboté la chaîne jurassienne, le glacier vient mourrir dans notre Combe et ses eaux de fonte abandonnent des dépôts de moraines (fragments arrondis de toute tailles), des dépôts de delta (graviers et sable) et enfin des dépôts fins (argiles et limons).
L’emplacement du delta de la langue glaciaire de Champagnole est le terrain d’aviation, son talus, la bordure des terrains de l’EREA et des carrières, route de Picarreau, en Tambeau.

Belvédère côté Crotenay

Et si… vous avez lu la thèse du professeur André Berthier sur Alésia, de votre observatoire, vous apercevrez la longue colonne des légions de Jules César suivie de tous ses équipages.
Après avoir regroupé ses légions chez les Lingons (Plateau de Langres) et reçu le renfort des cavaliers germains, César doit gagner au plus vite la province. Il se dirige donc vers le pays des Allobroges, seule peuplade demeurée fidèle à Rome.
Vercingétorix prépare le guet-apens d’Alésia. Dans le plus grand secret, favorisé par l’isolement des montagnes, un oppidum (Chaux des Crotenay) naturellement fortifié est mis en état de défense et ravitaillé pour nourri durant un mois une armée de 80000 hommes.
À une petite étape de la place-forte se trouve une plaine assez vaste pour une première attaque… la Plaine de Chaux, le terrain d’aviation !
Alors que, sous vos yeux, l’armée romaine sort du couvert du bois et traverse la plaine, soudain, la cavalerie gauloise charge le front et les deux flancs de la colonne. La bataille fait rage : les hurlements des guerriers, le galop et les hennissements des chevaux, le fracas des armes qui s’entrechoquent emplissent l’espace. Moment critique pour les Romains proches de la déroute !
Contre toute attente, les Germains s’emparent « d’une hauteur culminante » (Montsaugeon), chassent les attaquants et les poursuivent jusqu’à la rivière (l’Ain) où Vercingétorix a massé son infanterie. La victoire change de camp ! Craignant d’être pris à revers, la cavalerie gauloise prend la fuite. pour protéger le gros de ses forces, le chef gaulois décide, alors, de se réfugier dans Alésia en suivant la vallée de l’Ain.
Vous connaissez la suite…

Maintenant vous savez tout, vous pouvez rentrer à la maison en descendant la ligne 19. La prochaine fois, quand vous emprunterez cette promenade, il est certain que vous ne la vivrez pas de la même façon !

Source : Le Rousset… évidemment !
Montagnes du Jura (Bichet et Campy)
La plaquette « Alésia » éditée par ALESIA.