Pour mieux comprendre l’acharnement des Rois de France vis à vis de notre région, il convient de retracer son histoire.
En 843, l’Empire de Charlemagne est partagé entre ses trois petits-fils. La future Franche-Comté est alors une composante de la Lotharingie, royaume longiforme de Lothaire, s’étendant de la Mer du Nord à la Méditerranée, coincée entre deux « ogres » : la Francie occidentale de Charles le Chauve et la Francie orientale de Louis le Germanique.
Dans l’anarchie qui suit, les successeurs des trois monarques procèdent à de nombreux partages.
Vers l’An 1000, Otte-Guillaume, fils d’un roi d’Italie, se retrouve à la tête de l’ensemble des « pays » de la région. Son cadet Renaud hérite des terres saônoises et jurassiennes, ainsi naît le Comté de Bourgogne.
A la mort du Roi de Bourgogne, Rodolphe III, deux prétendants se disputent sa succession : Eudes soutenu par la France, Conrad II, Empereur germanique. Renaud soutient le candidat français, Hugues de Salins, Archevêque de Besançon, opte pour le parti de l’Empereur. Et c’est Conrad qui l’emporte : la Comté dépend alors de l’Empire !
En 1295, Otton IV, Empereur, s’engage à marier sa fille Jeanne, à un fils du Roi de France Philippe IV le Bel, le futur Philippe V le Long. Jeanne apporte en dot le Comté de Bourgogne. Le Comté, bientôt rattaché au Duché voisin, passe sous influence française. Le Comte devenu Roi confie le gouvernement de la province à Jeanne qui est aidée dans sa tâche par sa mère, Mahaut d’Artois. C’est pour les Comtois une période heureuse.
En 1330, Duché et Comté sont réunis, Jeanne de France , fille de Jeanne, épouse Eudes IV, Duc de Bourgogne.
C’est le temps des malheurs, guerre de Cent ans, peste noire, incursions des Grandes Compagnies … La Franche-Comté, nom qui apparaît en 1336 dans un document officiel, se détache puis se rattache au Duché au rythme des mariages, puis se trouve engagée dans une étonnante aventure, la formation d’un véritable état indépendant, allant de la Mer du Nord aux Alpes, rappelant étrangement la Lotharingie !
C’est l’époque des illustres Ducs-Comtes de Bourgogne : Jean le Bon, Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire.
En 1475, les Suisses, craignant pour leur indépendance, envahissent la Comté. Louis XI, allié des Suisses, pénètre dans le Baillage d’Amont. Le Téméraire signe un traité de paix avec le Roi de France et attaque les Cantons suisses, il est battu à Grandson et à Murat. Parti maté une révolte en Lorraine, il trouve la mort sous les murs de Nancy en 1477. Sa fille, Marie de Bourgogne, lui succède ; elle est promise au Dauphin, fils de Louis XI qui est, lui-même, parrain de Marie. Charles a 7 ans, Marie 20 ! Afin de se donner un protecteur, Marie épouse le fils de l’Empereur, Maximilien de Habsbourg en 1477. La vengeance du Roi est terrible, ses soldats commandés par d’Amboise mettent la Comté à feu et à sang. La province redevient française. Le traité de Senlis (1493) abandonne le Duché à la France et le Comté à l’Empire. Cependant, les Comtois ne se veulent ni de France, ni d’Empire, ils sont « Bourgogne » avant tout, alors que la langue, l’esprit, les mœurs, les institutions les rapprochent du royaume !
Commence alors une période de quasi-indépendance, sous la direction de Marie, fille de Maximilien. A la mort de Marguerite, fille de Marie, son neveu Charles Quint devient Comte de Bourgogne, ce puissant monarque dirige un Empire immense regroupant l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et le Nouveau-Monde. Et pourtant, durant tout son règne, il garde pour la Franche-Comté, une affection toute particulière et s’entoure de nombreux conseillers comtois dont les plus illustres sont, sans aucun doute, Nicolas Perrenot de Granvelle et son frère Antoine.
En 1556, l’Empereur abdique au profit de son fils Philippe II d’Espagne. Notre province devient espagnole !
En 1595, Henri IV déclare la guerre à l’Espagne. Sous prétexte que les Comtois peuvent soutenir le Duc de Mayenne, chef de la Ligue (protestante) retranché en Bourgogne, Aussonville et Tremblecourt, deux aventuriers lorrains aux ordres du Roi se ruent sur notre pays. En 1598, les Français se retirent, châteaux et places-fortes reconstruites après les ravages de Louis XI ont subi d’irréparables dégâts.
En 1635, Richelieu, Ministre de Louis XIII, engage la France dans la guerre de Trente Ans, contre l’Espagne et l’Empire : la Comté se trouve donc au cœur du conflit. En mai 1636, les Français commandés par le Prince de Condé mettent le siège devant Dole qui résiste trois mois. De dépit, Condé lève le siège et se dirige sur la Picardie pour combattre les Espagnols.
De 1637 à 1644, les troupes françaises ravagent la Comté. Longeville dévaste le Baillage d’Aval, Saxe-Weimar le Baillage d’Amont, Villeroy engage la guerre des moissons, des paysans réquisitionnés en Bourgogne fauchent les blés en herbe. Le Marquis de Montglat note dans ses mémoires que « tous les villages étaient brûlés, les habitants morts, et la campagne tellement déshabitée qu’elle ressemblait plutôt à un désert qu’à un pays qui eut jamais été peuplé. »
A partir de 1640, la guerre de partisans menée par Lacuzon, le Baron d’Arnans, le Colonel Varroz, Pille-Muguet, Cart-Broumet, Tranche-Montagne, La Ramée, et bien d’autres, remplace les campagnes militaires.
En 1643, Louis XIV devient Roi, ses troupes commandées par Turenne saccagent, une fois encore, le Baillage d’Aval. A partir de 1645, des négociations s’engagent et aboutissent au traité de Wesphalie (1648), la Franche-Comté reste espagnole.
Au cours des pourparlers qui suivent cette guerre dite de Dix Ans, il est question d’agréger notre pays à la Confédération suisse … devenant ainsi le quatorzième canton, le projet n’aboutit point !
En 1668, les troupes de Condé et de Luxembourg envahissent une nouvelle fois la Comté exsangue qui tombe en quinze jours. Aucune fortification, aucun château n’échappent à la pioche des démolisseurs. Pour les notables comtois, la conquête est un fait acquis. Cependant, le traité d’Aix-la-Chapelle rend la province à l’Espagne.
Louis XIV ne désespère pas, il lance une nouvelle offensive en 1673-1674, elle s’avère plus difficile que la précédente : les paysans et le peuple opposés au rattachement voulu par les nobles et les bourgeois résistent héroïquement mais les villes, mal protégées, cèdent les unes après les autres.
En 1678, par le traité de Nimègue, la Franche-Comté devient définitivement française.
Sources : Si la Comté m’était contée (Jean-Claude Clade) / Histoire de la Franche-Comté (Lucien Febvre)
Commentaires récents