La Voie Champagnole – Lons

Les chemins de fer en France avant 1870

La première ligne inaugurée en 1827 relie Saint-Étienne à Andrézieu pour le transport du charbon, elle mesure 23 km. Les wagons sont tirés par des chevaux : on utilisait les rails depuis le début du XVIII° siècle afin de réduire le frottement des roues.

Dès 1832, la locomotive remplace la traction animale, la ligne est prolongée jusqu’à Lyon (58 km) et accepte les voyageurs.

En 1837, les 18 km séparant Paris de Saint-Germain en Laye sont parcourus en 25 minutes.

L’année suivante, Baptiste Legrand trace le réseau des grandes lignes au départ de Paris, connu sous le nom d’Étoile de Legrand, similaire au réseau routier du XVII° siècle.

La première ligne internationale, Strasbourg-Bâle, 140 km, est ouverte en 1841.

La charte des chemins de fer est signée en 1842, c’est un partenariat public-privé : l’État achetant les terrains et finançant les infrastructures (ouvrages d’art et bâtiments), les compagnies construisant les voie, investissant dans le matériel et disposant d’un monopole d’exploitation sur les voies.

En 1859, sous l’influence du Duc de Morne, les lignes concédées sont réparties entre six compagnies : pour notre région, la Cie Paris-Lyon-Méditerrannée (PLM).

Vers 1870, les principales grandes lignes sont en services, le temps de la construction des embranchements commence…

En 1850
En 1870

Comment vit-on cette révolution technique à Crotenay ?

La lecture des archives municipales de cette époque entre que les avant-projets des lignes de la région sont soumis à l’étude des Conseils Municipaux.

En 1854, le CM de Crotenay et son Maire, Jean-Baptiste David, se déclarent contre la ligne Moulins-Chalon-Dole et rappellent « que depuis un grand nombre d’années, le Jura est en instance pour obtenir une voie de Bourg à Besançon, en passant par Lons et le pied du Jura, conservant à ces contrées le transit de la Méditerrannée au Rhin qui lui assurerait un débouché pour les produits agricoles et industriels ».

Concernant le chemin de fer de Salins à la Suisse, le CM déclare « qu’il voit avec un profond regret le tracé projeté ne pas s’infléchir dans le Jura, de manière de se rapprocher le plus possible de Champagnole, Saint-Laurent, Morez, Nozeroy et des Planches, afin de mieux desservir les industries si importantes, si remarquables de ces cinq cantons, comme aussi leurs intérêts agricoles et forestiers. Il espère que les savants ingénieurs, auteurs de l’avant-projet, sauront vaincre les difficultés qui ont pu les effrayer et satisfaire aux besoins considérables qui viennent d’être signalés ».

Lors de la réunion du 13-05-1855, le CM propose « Considérant que la ligne Dole-Salins sera achevée avant la fin de l’année, que les travaux de la voie Neuchâtel – Les Verrières sont presque terminés, que la ligne Jougne-Saint-Maurice (Territoire de Vaud) est concédée, il résulte des études la certitude de pouvoir établir la ligne de raccordement de celle de Salins aux Verrières et à Jougne par une bifurcation près de Pontarlier ainsi que l’embranchement par Champagnole ». En 1861, les élus crotenaysiens se prononcent pour le chemin de fer Dole-Chalon par la rive gauche de la Saône (Ciel, Saint Bonnet, Pierre, Neublanc, Tavaux), avec possibilité de réaliser l’embranchement de cette ligne à celle du pied du Jura.

En 1863, le CM donne son avis sur l’emplacement de la gare de Champagnole, sur la ligne Andelot-Andelot, « à l’entrée de la ville côté Poligny, près de la Route Impériale n°5 ».

En conclusion, ces délibérations prouvent que, dans les villages, les habitants ont conscience de l’importance de la véritable révolution qui s’opère depuis quelques décennies et qu’ils ne veulent pas passer à côté.


La voie Lons-Champagnole

En 1867, Monsieur Lesguillier étudie un projet de ligne de Lons à Champagnole, en suivant le versant rive droite de la Vallière pour atteindre le Premier Plateau, en franchissant l’Heute au col de Verges et en contournant l’Ain au delà de Pont-du-Navoy. La voie Lons-Saint-claude pourrait, dans un but d’économie, s’embrancher à partir de Verges. Pour atteindre le plateau, à 260 m au dessus de Lons, l’ingénieur préfère la rive droite, « malgré de graves difficultés de terrain qui nécessiteront l’ouverture de nombreux tunnels mais qui amènera la voie au point le plus rapproché de Verges ». Après Verges, la voie contourne le contrefort argileux de Châtillon, passe à proximité des forges de Pont-du-Navoy, se prolonge jusqu’à Crotenay, au pied de l’Heute puis côtoie la route de Champagnole, évitant ainsi les coteaux argileux de mauvaise qualité qui, entre la Praz et le Bois de Maresches, bordent l’Ain et lAngillon.

La voie pourrait passer par Saint-Maur mais elle traverserait des coteaux de marnes liasiques aquifères en mouvement. Après Verges, elle pourrait se diriger vers Doucier et Marigny mais s’éloignerait des forges de Pont-du-Navoy et nécessiterait la construction de deux ponts sur l’Ain, établis sur des argiles très instables.

De nombreux paramètres sont pris en considération : la nature du terrain, la pente, 0,021 par m au maximum, au delà, il faut une double traction, le rayon des courbes, les rebroussements (les changements de direction), la longueur de la ligne, le nombre d’ouvrages d’art et bien sûr le coût.

Le projet comporte 47 aqueducs et ponceaux, 9 ponts, 34 passage à niveau, 8 souterrains et 5 viaducs ! (Les chiffres sont issus des adjudications, il est possible que les ouvrages d’art soient un peu plus nombreux, en fonction des difficultés rencontrées).

Le projet compte 6 gares : Lons qui desservira ses 9598 habitants et avec les alentours un total de 11391 habitants, Conliège (995 h dont les 969 de la commune), Publy (318, Briod 174, Vevy 280, Binans 93), Verges (167, Blye 318), Châtillon (446, Charcier 262, Doucier 452, Villars 79, Marigny 325), Pont-du-Navoy (527, Mirebel 549, Les Faisses 221 (Bonnefontaine), Picarreau 233, Monnet 160, Mont-sur-Monnet 426, Montigny 274), Crotenay (364, Besain 314, Montrond 478), Champagnole (3299, Ney 300, Ardon 105, Vannoz 178, Saint-Germain 339, Equevillon 121, Cize 154). C’est un total de 23339 personnes qui sont susceptibles d’utiliser la ligne.

La dépense est estimée à 11 440 000 F, soit un coût kilométrique moyen de 260 000 F, donc 260 F le m de voie, le prix moyen d’un m de tunnel étant de 700 F. (A cette époque, un terrassier gagne 3,50 F… par jour !)

Le 26 mars 1876, le Conseil Général du Jura déclare « vouloir énergiquement la voie ferrée de Champagnole à Lons et s’engage à y affecter une subvention de 40 000 F par km ». Il ajoute que cette voie « favoriserait le ravitaillement des forteresses de Pontarlier et des Rousses, le mouvement des troupes et la prompte exécution des ordres de mobilisation ».

Le 8 avril 1877, les Ponts et Chaussés du Jura étudient ce projet et le &8 février 1880, le Ministère donne ses instructions pour la mise à l’enquête. Aussitôt, les Conseils Municipaux délibèrent sur le projet.

Perigny trouve qu’elle a « tous les inconvénients, la voie traversant le territoire de la commune, et n’en tire aucun avantage, elle réclame l’établissement d’une gare ». Revigny souhaite que « le chemin de fer suive la Vallière et se dirige sur Pont-de-Poitte ». Pannessières fait remarquer que « le tracé traverse des terrains marneux pour arriver à Conliège, que la station de Publy est inutile et qu’il serait plus avantageux d’utiliser la ligne Lons-Mouchard jusqu’à la Lième, puis traversant le chemin de Pannessières à Lavigny, s’élever dans la côte occidentale de la montagne, dite « Bois de Rosnay », rejoindre Sermu, puis Crançot, Vevy et Verges ». Mirebel trouve le tracé défectueux entre Pont-du-Navoy et Châtillon où il ne remplit pas les conditions désirables de direction et de solidité, le terrain étant très mouvant et ne répond pas aux intérêts de Granges-sur-Baume, Crançot, La Marre, Le Pied, Fay, Les Caisses où il existe une usine à vapeur très importante et, enfin Mirebel, communes appartenant à un pays de vastes forêts, de carrières, de nombreux troupeaux, de fromagerie importantes ». Quant à Châtillon, elle regrette que « la gare occupe les meilleurs prés » et propose « d’autres terrains moins fertiles ». Picarreau trouve que « la gare de Pont-du-Navoy-Navoy est trop proche de l’école (75 m) et représente un réel danger pour les enfants ».

Des administrés de Pont-du-Navoy se plaignent « de ne pouvoir consulter le registre de la commission d’enquête en mairie et d’être obligés de présenter leurs doléances chez Monsieur le Maire » (qui, d’ailleurs, est le directeur des forges, le meneur de cette plainte étant le propriétaire de l’Hôtel Hugon qui voudrait l’implantation de la gare près de son établissement !).

Montigny réclame « la construction dune passerelle sur l’Ain pour se rapprocher de la gare de Pont-du-Navoy ». Malgré les nombreuses pétitions qui affluent des communes oubliées par la nouvelle voie, le projet de Monsieur Lesguillère est approuvé par le Ministère le 07-08-1880 et l’emplacement des gares le 02-10-1883 ; Mirebel attendra 1892 pour avoir une halte dans la Combe d’Ain, d’un accès bien difficile !

Les travaux peuvent commencer !