Le barrage

On ne peut pas parler de barrage de l’Angillon sans parler de Monsieur Hugues Bovy, ingénieur suisse, véritable pionnier en matière d’électricité et par ses idées, très en avance sur son temps.

L’éclairage de la ville de Champagnole

Le 24 mai 1891, le Maire de Champagnole, Adrien Muller, réunit son Conseil Municipal ; à l’ordre du jour, l’examen des propositions d’éclairage de la ville par l’électricité. Deux projets : celui de Mr Melet de Lyon et celui de Mr Bovy. Après l’étude des deux devis, le cahier des charges de Mr Bovy est retenu.

Très rapidement, l’ingénieur établit domicile à Champagnole. La construction du barrage de la Roche (route de Syam), l’aménagement de la centrale, l’installation des lignes sont rondement menés puisque tout est opérationnel le 18 avril 1892, pour la grande fête organisée pour l’inauguration de l’éclairage des rues et des bâtiments publics, de la nouvelle adduction d’eau de la source Marguet (la source de la Papeterie), de l’hôpital et des abattoirs.

Champagnole devient, ainsi, une des premières villes éclairées à l’électricité.

L’électricité pour les particuliers

Au début, les clients sont peu nombreux malgré le prix modique de l’abonnement mensuel : 1,45 F pour une lampe de 10 bougies. M Bovy offre même l’ampoule pour tout abonnement d’une 25 bougies ! (en 1925, 1 kg de pain coûte 1,58 F)

Les industriels, eux par contre, comprennent rapidement l’intérêt de cette nouvelle énergie, mais, bien vite, surtout en période de sècheresse, la fourniture du courant est insuffisante. Mr Bovy crée, alors, une centrale thermique, avec machine à vapeur et moteur à gaz, qu’il installe près du Pont de l’Épée, centrale qui utilise la sciure provenant des scieries locales !

Face à la demande toujours croissante, pour assurer une fourniture constante de courant, l’ingénieur envisage de construire un barrage sur l’Angillon.

Les démarches à Crotenay

Le Conseil Municipal étudie la demande de Mr Bovy concernant « des travaux d’études nécessaires à l’endiguement de la rivière l’Angillon pour la captation des forces hydrauliques que ce cours d’eau est susceptible de fournir ».

La route de la Praz

« Considérant que l’objectif visé est de nature à favoriser le développement de l’industrie de la région », le Conseil émet un vote favorable.

Le 15 décembre 1919, le nouveau Maire, Ernest Marsaud, (vote du 8-12-1919) lit devant son conseil une lettre de Mr Bovy, en date du 8-09-1918, par laquelle il s’engage à construire à ses frais, sans subvention de la commune, une ligne triphasée haute tension et un réseau limité à l’agglomération.

« Considérant qu’il est de l’intérêt de tous les habitants de profiter des avantages de l’éclairage et de la force motrice », le CM décide d’insister auprès de Mr Bovy pour que toute la commune soit comprise dans le projet. Après des échanges de terrains boisés, l’autorisation est donnée à Mr Bovy « d’occuper temporairement une parcelle dans le canton des Rizières et la moitié du lit de la rivière bordant cette parcelle, pour lui permettre de commencer la construction du barrage qui sera effectuée par Mr Piselli, maçon de notre village.

Dans sa lettre du 19 juillet 1923, Mr Bovy demande un délai de 6 mois pour installer l’éclairage de la commune agglomérée qui sera effectif avant le 23 novembre 1924. À cette date, une délibération commence par : « Considérant que l’agglomération du village vient de recevoir récemment l’éclairage électrique… ». Le même jour, le Conseil demande l’électricité pour le Hameau de la Praz comptant 27 habitants et distant d’un km du centre, la commune s’engageant à installer à ses frais le km de ligne supplémentaire. Le moulin de Mr Lambert ne sera relié au réseau qu’en 1931.

L’électrification en France

Arrivée de l’électricité à Chastel

La Course au titre de « Première ville électrifiée » est âpre ! Magnet, dans l’Allier, arbore un panneau « Le premier village électrifié », or, ce n’est qu’en 1939 que le village est choisi pour expérimenter les effets de l’arrivée de l’électricité dans une commune rurale. 48 volontaires reçoivent des appareils électriques à usage domestique ou agricole. Expérience reprise en 1952 seulement à cause de la guerre.

Il semblerait que la première commune étant en partie électrifiée soit Vizille, en Isère. Fin août 1883, Marcel Deprez réalise une expérience de transport d’électricité entre Vizille et Grenoble sur une distance de 14 km. Suivent ensuite, Bellegarde (Ain) 1884, La Roche-sur-Foron 5Haute-Savoie) et Modane (Savoie) 1885, Saint Philibert sur Risle (Eure-et-Loire) et Bourganeuf (Creuse), première cité à inaugurer un éclairage de toutes les rues 1886, après les travaux de Marcel Deprez, Bourg-Saint-Andéol (Ardèche) 1888, Culoz (Ain 1890, Cluses (Haute-Savoie), Moutiers (Savoie) et… Champagnole, Perle du Jura, 1892, cette dernière n’apparaît d’ailleurs nulle part sur les nombreux articles traitant le sujet ! En 1918, à peine 20% des 38014 communes françaises sont raccordées à un réseau, vingt ans plus tard, à la veille de la guerre, 97 % sont desservies.

La centrale hydro-électrique de Juralina

Construit sur une base calcaire, le barrage a une retenue de quelques centaines de mètres seulement, d’une profondeur maximale de 5,50 m. L’eau prisonnière de la conduite forcée, se précipite sur les turbines de l’usine après une chute de 23 m.

La centrale a une production de 400 kw /h, production limitée par l’EDF, en 20 000 volts, soit entre 1,4 et 1,6 million de kw par an : ce qui correspond à la consommation de 1368 foyers (hors eau chaude et chauffage). Elle a obtenu le label « Énergie Verte », puisqu’elle évite le rejet dans l’atmosphère de 1140 t de CO2 ou la production de 152 t de cendres, l’importation de 133 t de pétrole ou 570 t de charbon. « Pourtant, on ne pense pas à l’énergie de l’eau quand on parle d’énergies renouvelables ! » regrette Patrie Bailly-Maître, le responsable du site.

En France, on compte 2000 centrales privées qui produisent 5 milliards de km par an.

Pour aller plus loin

Dans son projet, Mr Bovy est secondé par Louis Andouard, son gendre. Ce dernier était, avant la guerre 14, directeur d’une raffinerie de pétrole à Séville, une expérience professionnelle fort utile pour la réalisation de leur projet commun. En effet, les deux hommes prévoient la construction d’une usine pour l’exploitation des sciures de bois par distillation : c’est l’application de la découverte de Philippe Lebon (1767 – 1804). En chauffant du bois (distillation ou pyrolyse), on obtient un gaz malodorant que Lebon nomme « gaz hydrogène », combustible et éclairant, des vapeurs qui, condensées, donnent, entre autres, du goudron et des résidus assimilables à du charbon de bois. L’usine thermique de Champagnole utilisera donc gaz et résidus.

Le procédé de Lebon sera utilisé dans les véhicules à gazogène, pendant la deuxième guerre mondiale, pour pallier le manque de carburants.