Les Chantiers de Jeunesse

Petit rappel historique : la « Blitzkrieg ».

Le 10 mai 1940, après plus de huit mois de « Drôle de Guerre », les armées allemandes déferlent sur la Belgique et les Pays-Bas. Le 13, elles s’engouffrent à travers les Ardennes et s’emparent de Sedan, s’assurant de solides têtes de pont. Le 18 mai, en dépit de combats acharnés, les forces alliées sont coupées en deux entre les Flandres et la Somme. Les blindés allemands se ruent dans la brèche et atteignent la Manche le 20 : de nombreuses unités françaises, belges et britanniques se trouvent prisonnières dans « la poche de Dunkerque ».

Le 5 juin, les troupes allemandes franchissent la Somme, le 6, l’Aisne, le 14, elles entrent dans Paris, le 17, elles parviennent à la frontière suisse.

Le même jour, le Maréchal Pétain qui remplace Paul Reynaud à la Présidence du Conseil annonce dans une déclaration radiodiffusée, à une France battue et meurtrie qu’il a demandé un armistice à l’Allemagne.

C’est dans la clairière de Rethondes, dans le wagon où Foch avait accueilli les Allemands en 1918 que, le 21 juin, les conditions de l’armistice sont communiquées à la délégation française conduite par le général Huntziger. Le lendemain, ce dernier est autorisé à signer le texte proposé. L’armistice entre en vigueur le 25 : ainsi s’achève une campagne tragique qui a coûté 120 000 morts et 1 800 000 prisonniers.

La Troisième République est remplacée par un nouveau régime, l’Etat Français, dont le siège est Vichy, une ligne de démarcation coupe la France en deux parties.

Dans son message du 8 octobre 1940, Pétain définit « la Révolution Nationale » qu’il entend mener, programme très anti-Front Populaire jusque dans sa formulation : rejet des mensonges, de l’égoïsme, de l’esprit de jouissance, du goût des loisirs, exaltation des vertus traditionnelles et des notions de travail, famille, patrie, interdiction des grèves, promulgation du statut des juifs et création des chantiers de jeunesse.


Les chantiers de jeunesse.

Après l’armistice, des contingents de la classe 1939/3 et 1940/1 qui ont été mobilisés en mai n’ont pas eu le temps de rejoindre les dépôts ou en ont été chassés par l’invasion. Ils ont été oubliés dans les clauses de l’armistice. Ne pouvant les intégrer dans l’armée d’armistice limitée à 100 000 hommes par les autorités allemandes, le Ministère de la Guerre décide de regrouper ces jeunes recrues désemparées.

Dès le 2 juillet 40, il demande au général de la Porte du Theil de les regrouper «avant qu’ils ne se transforment en délinquants ».

Le 3 juillet, par une loi, Pétain crée les « Groupements de Jeunesse » qui deviennent, en septembre, les « Chantiers de la Jeunesse Française », nom trouvé par Robert Laviale, un Jociste, pour rassurer les commissions d’armistice allemande et italienne, mais on les nommera plus communément « les Chantiers de Jeunesse ».

Limités à la zone sud, les chantiers accueillent les jeunes gens âgés de 20 ans dans le cadre d’un service national de 8 mois.

Soumis à une discipline typiquement militaire, astreints à des travaux d’utilité publique, vivant dans des camps installés en pleine nature, ces jeunes reçoivent également un enseignement fondé sur la connaissance des traditions régionales et nationales et l’exaltation du culte du Maréchal. Exercices physiques alternent avec conférences et débats idéologiques.

L’extrait qui suit, tiré d’une brochure de l’époque, montre bien l’esprit « Chantiers », très paternaliste de ce début de gouvernement. « L’organisation des CJF a pour but de donner aux jeunes hommes de France, toutes classes confondues, un complément de formation morale, virile et professionnelle qui, des mieux doués, fera des chefs, et de tous, des hommes sains, honnêtes, communiant dans la ferveur d’une même foi nationale.

Le passage dans les Chantiers constitue le couronnement de la formation de la jeunesse. Ils offrent au jeune homme sorti du cercle étroit où il a vécu (famille, école, atelier, village) et avant qu’il n’y retourne, l’occasion unique – à une échelle réduite, mais justement à sa mesure – de réaliser ce qu’est la communauté nationale, de comprendre son étendue et sa pérennité. »


L’organisation.

Cinquante-deux groupements vont être progressivement crées avec des effectifs oscillant entre 1 500 et 2 200 hommes. A la fin de 1940, 86 740 jeunes gens des contingents 39/3 et 40/1 ont été regroupés.

Les groupements sont répartis en 6 provinces :
Alpes-Jura (Lyon) Auvergne (Clermont-Ferrand) Languedoc (Montpellier) Provence (Marseille) Pyrénées-Gascogne (Toulouse) Afrique du Nord (Alger).

A l’origine, chaque groupement est divisé en une dizaine de groupes d’environ 150 hommes, chaque groupe comprend 10 équipes de 15 dirigées par des chefs d’équipes.

Les débuts.

Les problèmes de mise en place, de ravitaillement, d’organisation, le personnel médical insuffisant, l’automne 40 très humide, l’hiver très rude, la précarité des campements soumettent les premières recrues à un régime particulièrement dur.


La Forge
La Fabrique de Sodas
La Boulangerie
Le Foyer Groupe la Montagne

Les activités.

Avec la pénurie d’essence et le rationnement du bois de chauffage , le Général de la Porte du Theil, fils d’un ingénieur des Eaux et Forêts, perçoit l’importance de ce matériau. Il propose d’isoler les jeunes « au cœur d’une nature régénératrice » et leur permettre de jouer un rôle important dans l’exploitation forestière, d’autant plus qu’avec le grand nombre de prisonniers fait par les Allemands, le manque de main d’œuvre est criant.

Les « Verts » (couleur de leur tenue) sont partout : reboisement, construction de chemins forestiers, fabrication du charbon de bois, débroussaillage, ramassage des graines, élevage du ver à soie, travaux d’irrigation, aide aux viticulteurs …

Carbonisation

Les activités sportives et culturelles.

Les jeunes pratiquent, à raison d’une heure par jour, la méthode naturelle de Georges Hébert, ancien officier de marine : marche, course, quadrupédie, grimper, équilibre, saut, porter, lancer, lutte, natation. L’hébertisme est caractérisé par l’emploi des activités de l’homme primitif, pratiquées dans un cadre et des conditions se rapprochant le plus possible de la nature. Ils pratiquent également les sports collectifs.

Au sein des groupes, une instruction complémentaire est organisée : cours pour analphabètes (20 % des appelés) et pour ceux qui n’ont pas le certificat d’études.

Pour les distractions, le chant prend une place prépondérante : hymne des Chantiers « Notre drapeau », chansons de corps de garde, du folklore, refrains à la mode.

Les Chantiers se manifestent pour mieux se faire connaître auprès de la population : théâtre, feux de camp, concerts…


Deux baraques Adrian en bois pour les officiers (maisons Bourgeois et Murat)
Les services généraux

L’évolution des Chantiers.

Le printemps 41 marque un tournant dans la vie des Chantiers, après le temps des pionniers vient celui de l’organisation. Les baraques Adrian montées sur une assise en dur succèdent aux tentes et abris sommaires.

L’invasion de la zone libre (novembre 42) et la mise en place du STO (février 43) entraînent le repli des Chantiers au Sud de la France. Dès septembre 43, les Allemands exigent le départ de la totalité des Chantiers pour l’Allemagne. De la Porte du Theil refuse, menace de disperser les Chantiers dans les maquis, il est arrêté le 4 janvier 44 et interné en Allemagne.

Un grand nombre d’anciens des Chantiers rejoint les maquis, dès 43, leur formation a été une excellente préparation à la vie clandestine.

En conclusion, on estime à 500 000 le nombre de jeunes et à 20 000 les chefs qui ont porté l’uniforme des Chantiers de la Jeunesse Française.


Groupement 2 « Franche-Comté Jehan de Vienne » à CROTENAY.


Qui était Jean de Vienne (1341-1396) ?

Seigneur de Mirebel, il appartenait à une puissante famille comtoise, longtemps rivale de celle des Chalon. Amiral de France sous Charles V, il organisa la marine française qui comptait en 1377 trente-cinq grosses nefs de guerre. Durant la Guerre de Cent Ans, il infligea aux Anglais plusieurs défaites navales et les chassa de la forteresse de Saint-Sauveur, dans le Cotentin. Enfin, il se joignit à Jean sans Peur, le Duc de Bourgogne et aux chevaliers français qui allaient au secours du roi de Hongrie, Sigismond, menacé par le Sultan Bajazet et périt à la bataille de Nicopolis.

Pourquoi le choix de Crotenay ?

Proximité de la Forêt de la Faye de Montrond et de celle des Moidons, sûrement, présence de la voie Lons-Crotenay (le terminus Champagnole est en zone occupée) et d’une gare, probablement !

La mise en place du camp ne traîne pas puisque le 19.8.40, le Ministre, Secrétaire d’Etat à l’Intérieur, adresse cette lettre au Préfet du Jura : « Monsieur le Secrétaire d’Etat à l’Instruction Publique et à la Jeunesse m’a informé qu’un Chantier de la Jeunesse Française avait été ouvert à Crotenay. La tâche des chefs de Chantiers étant particulièrement lourde, je vous prie de bien vouloir la leur faciliter… »

On imagine aisément que, dans le petit village de Crotenay, l’arrivée des Chantiers et de plusieurs centaines de jeunes gens a été un évènement colossal. Eh ! bien, non ! Sur le registre des délibérations du Conseil Municipal, rien ! Pas de lettre du Préfet informant la population de la création d’un Chantier dans son village, pas de négociations pour l’installation des bâtiments sur des terrains communaux.

Non, les problèmes habituels : affouage, taxe de pâturage, sur le bétail, travaux sur les chemins…C’est incroyable !

La première allusion date du 27.12.40. Le maire, Louis Faivre, revient sur la nécessité de construire un groupe scolaire (construction demandée en 1935) « puisque l’installation du Groupement n°2 va amener dans la commune 30 à 40 nouvelles familles. »

Le 28 mai 41, le maire donne lecture à l’assemblée d’une demande de location des terrains occupés par les Chantiers soit près de 35 ha. Le Conseil fixe la location à 7218 F. Le Commissaire de Fumichon propose de louer le local de la perception (situé dans la maison commune) pour la somme de 1900 F par an.

Le compte-rendu de la séance du 17 août 41 nous apprend que l’école accueille 91 enfants. Le 8 décembre 41, le Conseil décide de confier la coupe de bois prévue à l’exercice 1941 aux Chantiers.

Le 18 mai 42, il accepte la construction d’un centre d’abats du Groupement au lieu-dit « à l’Essart »

Le 25.9.42, il décide de donner congé à Mr de Fumichon pour le local qu’il occupe afin d’y installer la deuxième classe des filles (créée en novembre 41).

Lors de la séance du 2 novembre 42, le Conseil demande aux autorités du camp de déplacer la baraque située sur la place, considérant que, par ses dimensions, elle est une gêne pour la circulation et pour les enfants durant les récréations.

En résumé, on n’apprend rien sur la cohabitation de deux mondes très différents.


La création du STO va semer le trouble parmi les chefs et les jeunes des Chantiers. Les autorités préfectorales s’intéressent alors à Crotenay.

La note du 26.3.43 du Préfet informe le Commissaire Péronnet, du Camp de Crotenay qu’un délégué du service des chantiers de jeunesse de Vichy va entreprendre une tournée de conférences de propagande dans les Chantiers du Jura. Ce dernier propose d’ajourner ces visites, le climat ne s’y prêtant pas, suite aux incidents du dimanche 14 mars entre Miliciens et la population, à Saint-Claude.

La note du 27.5.43, anonyme, a pour titre : « Un chef des Chantiers conseille aux jeunes de ne pas répondre à la réquisition dont ils sont l’objet. »

Extrait de la lettre «… Le chef Cobb a discuté avec nous et il nous a dit que rien ne l’étonnerait de voir un de ces jours les boches à la sortie des baraques pour ramasser les types… »

Lé 31.5.43 (Mot confidentiel du chef de Fumichon du Groupement de Crotenay au Préfet) Un chef des Camps de Jeunesse (le chef Lemaître) ne veut pas engager ses jeunes à se soumettre au service obligatoire.

Le 10.6.43, le Préfet du Jura demande au Préfet Régional de Lyon des sanctions exemplaires pour Cobb et Lemaître.

Le 21.10.43, on signale des vols d’uniformes au préjudice des CJF.

Le 24 .11.43, des fonctionnaires allemands procèdent à une inspection des CJ n°2 de Crotenay en voie de dissolution et n°46 de Poligny, ils établissent un état du matériel, de l’équipement et des vivres. Ils dressent la liste des effectifs désignés pour être à la disposition de la production industrielle : Poligny (150) Tourmont (90) Bans (70) Vaux-sur-Poligny (120) Chaussenans (150) Souvans (120) Saint-Lothain (100) Crotenay (150) Montrond (150)


Le 15.12.43, le Groupement 2 « Franche-Comté Jehan de Vienne » est supprimé.

Le 18.12.43, une note émanant de Crotenay informe le Préfet que le gros matériel est transféré à Poligny, que le transport du matériel d’habillement sur Chambéry nécessitera six camions et celui des vivres sur Langon (Landes) cinq wagons.

Fin d’année 43, les communes reçoivent la note suivante : « A partir du 3.1.44, de 21h à 6h du matin, aucun chef ou jeune ne devra circuler en tenue des Chantiers, les troupes allemandes ont reçu l’ordre de tirer sans avertissement sur toute personne portant cet uniforme. »

Dans la nuit du 11 au 12 juin 44, le Groupement de Poligny est attaqué par une « cinquantaine d’individus armés ». Le 15, deux militaires allemands et un milicien arrêtent en gare de Lons-le-Saunier, 26 jeunes du Groupement de Poligny portant la tenue des Chantiers.

L’ordonnance du 5 juillet 44 décide la dissolution de l’organisation dite Chantiers de Jeunesse et le licenciement des agents par suppression d’emplois.

Le 8.8.44, le Groupement n°46 de Poligny est liquidé (mot employé).


Fin 1944,une nouvelle vie pour le Camp de Crotenay.

L’arrêté du 10 octobre 1944 ordonne la création à Crotenay d’un Centre de Séjour Surveillé d’une capacité de 100 personnes (gardiens et internés) pour accueillir des anciens collaborateurs, dans les locaux abandonnés par les CJF.

Le responsable du Centre, le Lieutenant Camuset, propose au Préfet toute une liste de travaux qui seront accomplis par les prisonniers : façonnage des bois et chargement sur wagons, achèvement d’une route forestière, restauration du terrain d’aviation mis hors d’usage par les troupes allemandes (En juillet 46, le CM demandera encore la remise en état du terrain d’aviation !), fabrication du bois à gazogène et de charbon de bois, jardinage …

A la demande du Préfet d’accueillir les condamnés des prisons de Lons et de Saint- Claude, il répond que son camp peut loger 400 détenus mais il n’est pas question de faire de Crotenay un camp de travaux forcés.

Le 20.7.45, un incendie détruit un grand bâtiment servant de garage. Le Lieutenant Camuset demande aux autorités la mise à disposition de bâtiments des CJF : garage, forge, saboterie, atelier de concassage. Il ajoute que « ces quatre bâtiments construits en plotets sont actuellement totalement inutilisés, pillés et délabrés: toitures, portes, fenêtres ont été enlevées. Il ne reste que les murs et une partie des charpentes ! Le Service Forestier assurera leur remise en état. »

L’étude des archives préfectorales nous indique que les frais de séjour au camp sont à la charge des prisonniers (21 francs par jour) d’où de nombreux rappels pour recouvrer les créances !

Le 16.5.45 marque la dissolution du Camp de Crotenay, les internés sont dirigés sur Dijon, au Clos Sainte-Marie.

Le 18.6.45, les locaux accueillent 250 prisonniers allemands mis à la disposition de Mr le Conservateur des Forêts et d’une cinquantaine de militaires (service de garde et d’encadrement). Le 19.12.45, le Conseil municipal refuse la création d’un « Kommando » de prisonniers de guerre de l’Axe ; Crotenay en accueillant déjà 325.


Une troisième vie : une vie associative.

En décembre 46, après une rencontre avec l’Inspection départementale des Mouvements de Jeunesse, l’ancienne chapelle du Groupement est mise à la disposition de quatre sociétés crotenaysiennes et constituera la salle du futur Foyer Rural.

En mai 47, le maire informe le Conseil que Mr le Directeur départemental de la Jeunesse et des Sports demande à louer les terrains occupés par les Chantiers afin d’y établir des bâtiments et emplacements pour des colonies de vacances. Refus de la commune : le prix proposé n’est pas « en rapport avec les conditions de vie actuelle ». Nouvelle demande le 21.6.48, du Ministère de l’Education Nationale cette fois-ci qui propose 100 F l’are.

Etang de Malaval
Groupe 1 de la Direction
(Route de Picarreau)

Le 30 novembre 48, le Conseil consent à louer les terrains « à la condition que des garanties soient prises pour que les faits regrettables survenus pendant le séjour de la colonie « Le Mouvement de l’Enfance Ouvrière » ne se reproduisent plus à l’avenir. » Sont alors loués 32 ha pour une durée de 25 ans, des terrains aux Grandes Chantres, Au Tartre, à la Praz, Derrière la Praz, Aux Poisets et à l’Essart. La Commune se réserve le droit de résilier le bail « au cas où les conditions de moralité et d’hygiène exigées ne seraient pas respectées. »

En avril 49, la colonie de Châtillon-Commentry et Neuves-Maisons propose l’achat au Tartre, d’une parcelle de 8060 ares,«parcelle occupée par les baraques des Chantiers démolies actuellement ». Considérant que l’emplacement des baraques a été bouleversé et n’est plus d’aucune utilité pour les pâtures, le Conseil accepte l’offre de la Compagnie des Forges (4 F le m2).


Témoignages. La colonie de Châtillon-Commentry

Raymond Reverchon (8 ans en 40)

« Début septembre, on voit arriver un convoi de charrettes tirées par des chevaux et quelques camions.
Bientôt, les fermes inoccupées abritent les chevaux, les terrains plats se couvrent de tentes individuelles, les logements libres accueillent les gradés. Mon père propose une remise pour la roulante des officiers.Mais dès les grosses pluies d’automne, les campements sont inondés, les jeunes pataugent dans la boue.
Les autorités demandent aux habitants du village d’accueillir les malheureux dans leurs granges et leurs greniers. Heureusement, car l’hiver 40-41 sera très rude, il tombera 1 m de neige entre Noël et le Jour de l’An.
Durant cet hiver-là, la maîtresse, Madame Jacquominot, avait 42 élèves, elle ne pouvait pas écrire au tableau ! Il n’y avait pas de place pour tous, certains apportaient un siège. Quarante-deux dans ce qui est actuellement la salle de réunion, on était vraiment à l’étroit, il faut dire que de nombreuses familles d’officiers étaient arrivées à Crotenay.
Début 41 ont été construites les baraques Adrian, des baraquements en planches de 20 m de long. L’électricité était fournie par l’usine Bovy, sur l’Angillon mais il fallait économiser le courant car tous ces bâtiments en consommaient beaucoup. »

Gaston Gindre (17 ans en 40)

« Quand les jeunes des Chantiers – près de 2000 !- sont arrivés, ce fut la stupéfaction dans le village qui comptait, à l’époque, 300-350 habitants : c’était une véritable invasion. Il y en avait partout, on avait l’impression d’être noyé par le nombre.
Les maisons libres, les vieux logements, les chambres, même les plus délabrées, ont été réquisitionnées pour les officiers, les granges et les remises pour les chevaux et le matériel.
Après la dispersion des groupes vers les villages environnants, la cohabitation a été plus facile, surtout, après l’automne 40 très pluvieux et l’hiver 40-41 très froid, car les jeunes dormaient dans les granges et les greniers des fermes.
En 41, on a même joué une pièce de théâtre dans les baraquements des Chantiers au profit des prisonniers de guerre. »

La Chappelle
(Route de Picarreau)

Irène Courvoisier

« Pendant l’hiver 40-41, il faisait très froid, les jeunes avaient faim. Je me souviens, mon père leur donnait des œufs, du lait, des pommes de terre … »

Denise Cérutti

« On ne savait rien ! Quand on a vu toute cette troupe, on a pensé qu’il se préparait quelque chose, que tous ces gradés allaient former des soldats et lancer une offensive : enfin, qu’il allait se passer quelque chose d’important. On l’espérait car la défaite de juin était encore toute proche.
Et tous ces jeunes ont été très bien accueillis. Il y en avait quatre groupes de 200, à Malaval, à La Praz, au village et tout l’état-major. Dès l’automne, ils ont habité dans les fermes. Les femmes lavaient, entretenaient leur linge et le soir, ils participaient à la veillée. Mes parents invitaient souvent un jeune instituteur, originaire de Fécamp, qui s’ennuyait de sa fiancée et de sa Normandie et qui supportait mal la discipline très dure du camp. Il y avait une prison au camp, c’était chez Maurice Reverchon ! »

René Perrin (15 ans en 40)

« Chez nous, on avait une bonne dizaine de jeunes, des cuisiniers en particulier. Tôt le matin, ma mère leur offrait un café.
Il y avait tous les métiers : des couvreurs, des menuisiers, des plombiers, des sabotiers, même des forgerons, les ateliers étaient installés à l’emplacement actuel de l’EREA. »

Georges Petot (12 ans en 40)

« Il y avait des jeunes partout. Pââtrice, le garde-champêtre, un ancien de 14-18, toujours vêtu de sa capote bleu horizon, en avait beaucoup. Mais sa maison n’avait pas l’électricité et les gars avaient installé une ligne à fils nus. Le 21/1/41, un court-circuit a enflammé le foin et trois maisons ont brûlé ! »
Il s’agit des maisons Cavallin, Peterman et Grandclaude, rue Rouget de l’Isle.
De nombreux jeunes des Chantiers ont épousé des Crotenaysiennes : René Meyer, Maurice Tiévant, Edouard Jeanpierre, René Rochon, André Vaubourg, René Gravier.
Monsieur Ysel, quant à lui, était boulanger au camp.

Fabrication du charbon
Forêt des Moidons

Défilé route de Picarreau Sources : Les Chantiers de la Jeunesse (Alexandre Thiers), Archives communales de Crotenay, Archives préfectorales du Jura

Remerciements aux Crotenaysiens qui ont bien voulu témoigner et à Michel Chevalier pour ses cartes postales.